RELATIONS AVEC LES TIERS - CLIENTS ET FOURNISSEURS - 25.04.2024

Sous-traitance et délégation de paiement

Dans un contrat de sous-traitance régi par la loi de 1975, le paiement des sommes dues par l’entrepreneur au sous-traité peut être garanti par une délégation de paiement conclue avec le maître d’ouvrage. Dans ce cadre, il lui est fait interdiction d’opposer au sous-traitant les exceptions tirées de ses rapports avec l’entrepreneur. Un cas jugé.

Les faits

Pour la construction d’une unité de production, le maître d’ouvrage confie la réalisation de certains travaux à un entrepreneur, qui fait lui-même appel à un loueur pour les machines/outils nécessaires. Par contrat, l’entrepreneur délègue le maître d’ouvrage pour le paiement du loueur. Il est précisé que les factures du loueur doivent être établies au nom de l’entrepreneur, validées par ce dernier et jointes à la situation des travaux réalisés.

Après la mise en redressement judiciaire de l’entrepreneur, le loueur réclame le paiement de sa créance au maître d’ouvrage. Ce dernier refuse, car les formalités prévues par la convention de délégation n’ont pas été respectées.

La décision du juge

La Cour d’appel de Rennes donne raison au loueur. Elle juge que l’acte de délégation de paiement tendait à garantir le paiement de la créance du loueur résultant de la location de matériel en prévoyant l’adjonction d’un débiteur dans l’intérêt de l’intéressé ; le maître d’ouvrage ne pouvait pas reprocher au loueur l’inexécution de formalités qui incombaient à l’entrepreneur.

La Cour de cassation censure cette décision. À peine de nullité du contrat de sous-traitance, les paiements de toutes les sommes dues par l’entrepreneur au sous-traitant sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l’entrepreneur ou par une délégation de paiement conclue entre l’entrepreneur, le maître d’ouvrage et le sous-traitant, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant (loi 75-1334 du 31‑12‑1975 art. 14) . Si la délégation de paiement ne relève pas des dispositions impératives de la loi de 1975, les parties peuvent déroger à l’interdiction faite au délégué d’opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. Or, la Cour d’appel avait écarté la clause tenant à la validation des factures sans retenir l’existence d’une relation de sous-traitance entre l’entrepreneur et le loueur de matériel. L’affaire devra donc être rejugée (Cass. 3e civ. 1‑2‑2024 n° 22-23.039) .

Délégation de paiement

Loi de 1975 : protectrice des sous-traitants… Lorsque l’entrepreneur principal délègue le maître d’ouvrage pour le paiement d’un sous-traitant, il résulte de l’article 14 de la loi de 1975 relative à la sous-traitance que le maître d’ouvrage ne peut pas opposer au sous-traitant les exceptions tirées de ses rapports avec l’entrepreneur ; et toute clause contraire est nulle (loi de 1975 art. 15) .

… et des seuls sous-traitants ! Mais encore faut-il être en présence d’un contrat de sous-traitance. Celui-ci suppose l’exécution d’un travail spécifique pour les besoins particuliers du client (Cass. 3e civ. 18‑11‑2009 n° 08-19.355) . Ainsi, la qualification de « sous-traitance » est écartée lorsqu’un prestataire donne en location à l’entrepreneur du matériel avec fourniture de main-d’œuvre, transport, montage et démontage, sans que des prestations particulières lui aient été confiées (Cass. 3e civ. 13‑4‑2023 n° 21-24.985) . Si la relation contractuelle entre l’entrepreneur et le loueur ne peut pas être qualifiée de « sous-traitance », la délégation de paiement ne relève pas de la loi de 1975, mais de l’article 1336 du Code civil, qui autorise quant à lui les parties à déroger à l’inopposabilité des exceptions au délégataire (C. civ. art. 1336, al. 2) .

Une telle interdiction ne vaut qu’en présence d’un contrat de sous-traitance, qui suppose donc l’exécution d’un travail spécifique pour les besoins particuliers d’un client. À défaut, le contrat est régi par le Code civil (art. 1336) , qui autorise cette fois les parties à déroger à l’inopposabilité des exceptions au délégataire.

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