SOCIÉTÉ ‑ DIFFICULTÉS - 03.02.2023

Mésentente entre associés ex‑époux : un risque de dissolution de la société ?

Vous avez créé votre société à parts égales avec votre conjoint(e). Aujourd’hui divorcés, vos relations se sont fortement dégradées. Dans quelle mesure la dissolution de la société pourrait-elle être prononcée ? Réponse au regard d’un cas jugé.

Les faits

Des ex‑époux sont tous deux gérants et associés égalitaires d’une société.

L’ex‑époux, de nombreuses années après leur divorce, demande en justice la dissolution de la société, en invoquant la disparition de l’affectio societatis.

La décision du juge

Le juge relève que la société fonctionnait depuis plusieurs années malgré la mésentente importante des deux associés égalitaires, dans le contexte d’une procédure de divorce qui les avait opposés.

Il ajoute que la comptabilité était tenue et que, si les comptes n’avaient pas été approuvés, une assemblée générale avait été convoquée à cette fin. En outre, en tant que cogérant, l’ex‑époux avait également le pouvoir de convoquer une assemblée générale.

Il décide donc que la demande de dissolution par l’ex‑époux doit être rejetée (CA Rennes 28‑6‑2022 n° 20/02742) .

La dissolution d’une société par le juge

De justes motifs de dissolution. La dissolution d’une société peut être prononcée judiciairement pour justes motifs, lorsque son fonctionnement est paralysé par une mésentente entre ses associés (C. civ. art. 1844‑7, 5°) . Il est courant que les sociétés constituées entre époux ou concubins prennent fin après la séparation du couple. Ceux‑ci peuvent décider ensemble la dissolution anticipée de la société (C. civ. art. 1844‑7, 4°) . S’ils ne s’accordent pas sur cette dissolution, elle peut être prononcée judiciairement pour justes motifs, lorsque le fonctionnement de la société est paralysé par une mésentente entre associés (C. civ. art. 1844‑7, 5°) .

La nécessaire constatation d’une paralysie de fonctionnement. Le juge doit constater cette paralysie de fonctionnement. Il ne peut pas se contenter de relever l’existence d’une grave mésintelligence entre les associés (Cass. com. 19‑3‑2013 n° 12‑15.283) ou la disparition de l’affectio societatis, même si la société n’est constituée que de deux associés (Cass. 3e civ. 2‑6‑2016 n° 15‑14.707) .

Une dissolution justifiée si… Une cour d’appel a notamment retenu que la dissolution d’une société était justifiée dans un cas de mésentente entre les associés égalitaires de deux SCI, ex‑concubins, dont l’absence d’échanges rendait la tenue d’assemblées impossible (CA Paris 12‑1‑2021 n° 18/04888) . La dissolution d’une SCI a également été prononcée en raison de la mésentente entre deux associés égalitaires après la rupture de leur concubinage, la paralysie du fonctionnement de la société étant caractérisée par l’absence ou le retard de paiement des charges sociales, l’encaissement des loyers sur le compte bancaire de l’un des associés, et l’absence de tenue des assemblées générales et de prise de décisions (CA Paris 31‑3‑2016 n° 15/13327) .

Mais pas si… En revanche, la Cour de cassation a considéré que ne constituait pas un juste motif de dissolution la mésentente durable entre des ex‑époux associés résultant de l’occupation à titre gratuit et sans autorisation d’un immeuble social par l’un d’eux, cette circonstance étant impropre à caractériser la paralysie du fonctionnement de la société (Cass. com. 24‑6‑2014 n° 13‑20.044) .

À défaut pour les ex‑époux de s’accorder pour mettre fin à la société, une dissolution judiciaire ne pourra être prononcée que pour justes motifs. Tel ne sera pas le cas si, comme en l’espèce, la société continue de fonctionner malgré leur mésentente, la comptabilité étant tenue et une assemblée générale pouvant être convoquée pour approuver les comptes.

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