AGENTS IMMOBILIERS - RESPONSABILITÉ - 06.02.2024

Devoir de conseil et d’information de l’agent immobilier en vente pour les «défauts apparents» : quelle portée exacte ?

La Cour de cassation a rendu une décision, relayée ici ou là à la suite d’une dépêche d’une agence de presse, concernant le devoir de conseil et d’information d’un agent immobilier en vente, en présence de désordres «apparents». Un point s’impose...

Une nouvelle décision à méditer...

Le litige. Un particulier achète une maison individuelle par l’intermédiaire d’un agent immobilier (AI), mandaté par le vendeur. Ayant découvert des désordres à l’occasion de travaux de rénovation, l’acquéreur décide de demander en justice la résolution de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés. L’acquéreur décide également de réclamer une indemnisation à l’AI, en recherchant sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil et d’information. À ce titre, l’acquéreur reproche à l’AI de ne pas avoir attiré son attention avant/lors de la vente sur les désordres extérieurs de la maison, et plus particulièrement sur le défaut d’étanchéité de la toiture-terrasse en partie arrière de la maison, ainsi que sur les menuiseries des deux chiens assis et lucarnes (dégradées, avec une infiltration en façade principale).

L’arrêt. Saisie du litige, la Cour de cassation a écarté en l’espèce la demande en résolution de la vente. Mais elle a approuvé la condamnation de l’AI par la Cour d’appel, en relevant que le devoir de conseil auquel il était tenu lui «imposait d’informer l’acquéreur de l’immeuble, vendu par son entremise, de l’existence des désordres apparents affectant celui-ci, qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, il ne pouvait ignorer»(Cass. 3e civ. 21‑12‑2023 n° 22-20045- en appel : CA Amiens RG 21/00932 28-4-2022 Portalis DBV4- V B7F IADJ) . Notons que la responsabilité de l’AI a été écartée pour des vices affectant la structure de la maison qui n’avaient pu être révélés qu’après démontage de faux plafonds et retrait de moquettes murales et de sol «et qu’il ne pouvait donc connaître»(cf. arrêt d’appel) . En l’espèce, l’AI a été néanmoins condamné à payer à l’acquéreur la somme de 10 000 € au titre du préjudice lié à la perte de chance de ne pas conclure la vente, ou de la conclure à d’autres conditions), outre la somme de 3 500 € au titre des frais irrépétibles (CPC art. 700) .

La décision : enseignements à tirer ?

Gare aux présentations trompeuses... La décision (n° 22-20045) a été relayée ici ou là sur la base d’une dépêche d’une (célèbre) agence de presse, en expliquant que la vente avait en l’espèce fait l’objet d’une annulation ou résolution (ce qui est inexact). En outre, la présentation ici ou là peut laisser à penser qu’un AI serait tenu de «signaler» à un (candidat) acquéreur tous «les défauts, même visibles» d’un bien. Tout «défaut», vraiment ?

Sur la portée du devoir de conseil... Dans son arrêt, la Cour de cassation a pris grand soin de préciser que l’AI avait engagé en l’espèce sa responsabilité, au titre de son devoir d’information et de conseil, concernant des fuites visibles en toiture et ce, au motif qu’il pouvait «en raison de la présence d’importantes traces d’infiltrations, soupçonner un défaut d’étanchéité de la toiture» . Ainsi, au vu de l’arrêt, le devoir d’information et de conseil de l’AI concerne les défauts visibles/apparents qui en raison de leur nature sont susceptibles de lui faire suspecter un désordre d’ordre structurel, au vu de sa qualité de professionnel de l’immobilier. Il en a déjà été jugé ainsi pour une toiture présentant des affaissements d’amplitude (Cass. 3e civ. 7‑9‑2011 n° 10-10596 - cf. aussi Cass. 1e civ. 18‑4‑1989 n° 87-12053) . Rappelons que, dans les conditions exposées dans un précédent conseil (A&C Immobilier 19e année, n° 21, p. 5) , la responsabilité d’un AI peut être écartée en présence de défauts pour lesquels un désordre d’ordre structurel ne peut être suspecté/que par un professionnel de la construction (Cass. 3e civ. 21‑12‑2023 22-21518) ou un homme de l’art (architecte, bureau d’études...).

Conseil. En cas de doute, un AI restera bien avisé d’alerter et de conseiller utilement (par écrit) tout acquéreur, en particulier profane.

Notice et arrêt d’appel sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 19, n° 22.

Si la portée de la décision mérite la nuance, un agent immobilier sera bien avisé d’alerter (par écrit) un acquéreur (profane) de désordres visibles qui sont de nature à le faire suspecter, en tant que professionnel de l’immobilier, un désordre d’ordre structurel.

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