COMPTABILITÉ – FISCALITÉ –IMPôT SUR LES SOCIéTéS - 29.02.2024

Comptabilisation erronée en titres de participation

La correction de l’erreur volontaire de classement de ses titres est-elle possible pour un contribuable averti ?

Fiscalement, pas de correction possible d’une erreur volontaire de classement de titres

En principe, le classement en titres de participation peut être corrigé s’il est erroné… Il existe une parfaite connexion entre la comptabilité et la fiscalité sur le plan du classement des titres en titres de participation, les titres de participation au sens comptable figurant parmi les titres répondant à la définition fiscale des titres de participation (CGI art. 39, 1-5°al. 18, art. 219, I-a ter et 219, I-a quinquies) .

Tirant les conséquences de cette connexion, le Conseil d’État a jugé en 2017 (CE 29‑5‑2017 n° 405083) que l’inscription de titres au compte de titres de participation :

  • ne matérialise aucune décision de gestion puisqu’elle est commandée par le respect de la réglementation comptable et ne traduit donc pas l’exercice par l’entreprise d’un choix entre plusieurs possibilités offertes par la loi fiscale ;
  • et peut en conséquence, si elle est erronée, être corrigée à l’initiative de l’entreprise, sauf erreur délibérée.

Rappel. Sur le plan comptable, comme sur le plan fiscal, la correction d’erreur ne peut résulter que d’une erreur d’appréciation des faits et circonstances :

  • existant à la date d’acquisition des titres (ou à la date de transfert de compte à compte en cas de changement d’intention) ;
  • portant sur ses intentions à cette date et notamment sur la possibilité d’exercer une influence sur la société acquise, sous réserve que cette influence soit utile à l’activité de l’entreprise.

… sauf en cas d’erreur volontaire. Sur le plan fiscal, les erreurs comptables involontaires peuvent être rectifiées par le contribuable, comme par l’administration, dans le délai de réclamation (BOI-BIC-BASE-40-10 nos 30 à 70) .

En revanche, l’entreprise ne peut pas demander la correction d’une erreur comptable volontaire(notamment CE 22‑3‑1968 n° 73789 ; CE 12‑5‑1997 n° 160777 ; BOI-BIC-BASE-40-10 n° 170) . Les erreurs comptables volontaires, qui sont assimilables à des décisions de gestion irrégulières, ne peuvent être rectifiées que par l’administration dans le délai de reprise. Il incombe toutefois à l’administration d’apporter la preuve du caractère délibéré de l’erreur commise (CE 15‑6‑2023 n° 464997) .

La nature volontaire d’une erreur comptable prend en compte l’expertise du contribuable

Nouveauté. Une décision de la cour administrative d’appel de Paris a jugé que le caractère délibéré de l’erreur comptable commise par une entreprise peut résulter de sa parfaite maîtrise de la législation fiscale et de la nécessaire expertise à laquelle elle a procédé lors du classement comptable des titres en cause (CAA Paris 13‑12‑2023 n° 22PA00602) .

Illustration. En l’espèce, une société a cédé les titres d’une filiale à une entreprise tierce et a été payée en partie en actions. Ces titres nouvellement obtenus ont été classés par la société cédante en titres de participation tout comme l’étaient les titres cédés, préalablement à leur cession. 4 années après l’opération de cession initiale et moins de 2 ans après le transfert de ces titres directement à la tête du groupe, la société a estimé avoir commis une erreur comptable et a reclassé ces titres en titres de placement, au motif que son intention initiale était la revente rapide des titres obtenus afin de se désendetter à brève échéance. Elle n’avait pas l’intention d’exercer une influence sur la gestion de sa filiale, dont l’autre actionnaire détenait 80 % des titres de cette filiale commune. Environ 4 ans après la détention directe de ces titres par la société tête de groupe, celle-ci les a cédés en constatant une forte moins-value.

La CAA de Paris a jugé que l’inscription des titres, ouvrant droit au régime des sociétés mères, en titres de participation ne crée pas une présomption irréfragable valant décision de gestion de l’entreprise, et la simple recherche d’une rentabilité financière ne suffit pas à déterminer l’utilité des titres. Ainsi, comme le soutenait le contribuable, ces titres ne constituaient pas des titres de participation. Toutefois, la CAA de Paris a considéré que cette erreur comptable revêtait un caractère délibéré, dès lors que le contribuable, une grande entreprise multinationale, maîtrisait parfaitement la législation fiscale et qu’il avait nécessairement expertisé le classement comptable des titres en cause.

À noter. Dans une décision de la CAA de Versailles antérieure, il a, au contraire, été reconnu qu’une grande société de BTP pouvait corriger l’erreur qu’elle avait commise en comptabilisant des titres acquis en titres immobilisés en actions, et non en titres de participation, alors que son intention dès l’origine était de créer un lien durable avec cette société et que la possession de ces titres était susceptible de lui procurer des avantages significatifs pour l’exercice de sa propre activité. Il n’était toutefois pas soutenu par l’administration dans cette affaire que l’erreur aurait présenté un caractère délibéré (CAA Versailles 6‑10‑2020 n° 18VE00583) .

À noter avis. La qualification d’erreur délibérée retenue par la CAA de Paris avec un certain automatisme au motif que la société disposait d’une expertise en matière comptable et fiscale ne va pas nécessairement de soi, dès lors que la qualification de titres de participation relève d’une analyse techniquement complexe et en partie subjective, devant prendre en compte l’intention de la société lorsqu’elle acquiert des titres.

Dans l’attente d’une décision du Conseil d’État qui trancherait définitivement cette question, les entreprises doivent apprécier avec soin le classement comptable qu’elles font de leurs titres, une éventuelle erreur pouvant être qualifiée de délibérée, tout particulièrement si l’entreprise dispose des équipes fiscale et comptable à même d’expertiser ce classement.

Dans tous les cas, la documentation précise du choix de classement (présentations stratégiques faites aux organes de décision, présentations préparées par le comité d’investissement…) permettra notamment de justifier de la bonne foi du contribuable dans son analyse.

La CAA de Paris a jugé que, pour une grande entreprise multinationale, la comptabilisation erronée en titres de participation constitue une erreur délibérée ne pouvant pas être corrigée fiscalement, dès lors qu’elle maîtrise parfaitement les règles comptables et fiscales.

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