SOCIÉTÉ - RELATIONS INTERENTREPRISES - 01.02.2024

Quel régime si le sous-traitant délègue l’entrepreneur principal pour payer son propre sous-traitant ?

En vertu de la loi sur la sous-traitance du 31‑12‑1975, l’entrepreneur principal a l’obligation de déléguer le maître d’ouvrage au sous-traitant à concurrence du montant des prestations exécutées par celui-ci. Mais si c’est le sous-traitant qui délègue l’entrepreneur principal pour payer son propre sous-traitant ? Un cas jugé récemment.

Les faits

Une entreprise, à laquelle une société a confié des travaux de construction, en sous-traite une partie à une autre entreprise, qui elle-même sous-traite la fourniture des menuiseries à une troisième entreprise. Le sous-traitant de premier rang délègue l’entreprise principale dans le paiement du sous-traitant de second rang, l’entreprise principale s’engageant irrévocablement, en qualité de maître d’ouvrage, à payer directement le second sous-traitant sur factures acceptées par le premier.

Le sous-traitant de second rang, après la mise en liquidation judiciaire du sous-traitant de premier rang, réclame le paiement de ses travaux à l’entreprise principale, qui refuse.

La décision du juge

Le juge rappelle que, pour l’application des dispositions de la loi du 31‑12‑1975, le maître d’ouvrage est celui qui conclut le contrat d’entreprise ou le marché public avec l’entrepreneur principal, y compris à l’égard des sous-traitants de cet entrepreneur, quel que soit leur rang.

Il ajoute que, dès lors, la convention par laquelle le sous-traitant de premier rang délègue au sous-traitant de second rang, non pas le maître de l’ouvrage, comme le prescrit l’article 14 de la loi précitée, mais l’entreprise principale, ne constitue pas la délégation de paiement au sens de ce texte.

Il décide donc que la délégation de l’entreprise principale au paiement du sous-traitant est en conséquence soumise aux seules dispositions supplétives de l’article 1275 (désormais article 1338) du Code civil, de sorte que les parties peuvent déroger à l’interdiction faite au délégué d’opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. En l’espèce, le maître d’ouvrage était la société qui avait confié les travaux de construction à l’entreprise principale, et non cette dernière, peu importe la dénomination retenue dans l’acte de délégation. Les conditions prévues par la convention de délégation pour le paiement du délégataire n’étaient pas réunies, et le délégué ne s’était pas engagé à payer les factures qui lui seraient adressées directement par le délégataire (Cass. 3e civ. 23‑11‑2023 n° 22-17.027) .

Le paiement en cas de sous-traitance

Une loi protectrice. La loi n° 75-1334 du 31‑12‑1975 sur la sous-traitance prévoit plusieurs mécanismes destinés à garantir au sous-traitant le paiement de ses travaux, tels que l’obligation, pour l’entrepreneur principal, de déléguer le maître d’ouvrage au sous-traitant à concurrence du montant des prestations exécutées par celui-ci (art. 14) et la nullité des clauses et arrangements ayant pour effet de faire échec à cette protection (art. 15) .

Une délégation consentie par le maître d’ouvrage lui-même. Si le sous-traitant est considéré comme l’entrepreneur principal au regard de ses propres sous-traitants, le maître d’ouvrage reste toujours le même (Cass. 3e civ. 15‑1‑2003 n° 01-02.967) . L’article 14 de la loi de 1975 ne s’applique qu’en présence d’une délégation consentie par le maître d’ouvrage lui-même. En dehors de ce cas, comme en l’espèce, les parties peuvent déroger à l’interdiction faite au délégué d’opposer au délégataire les exceptions tirées des rapports entre le délégant et le délégataire. Leurs relations contractuelles ne sont pas soumises à l’article 15 précité de la loi de 1975.

Lorsque le sous-traitant délègue à son propre sous-traitant non pas le maître de l’ouvrage, mais l’entreprise principale, la délégation ne relève pas de la loi protectrice de 1975, et les parties peuvent prévoir des exceptions opposables par le délégué.

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