DISCIPLINE - 06.11.2014

Gare à l’avertissement qui ne dit pas son nom...

Savez-vous qu’un courrier ou un e-mail de mise en garde, de rappel à l’ordre, de recadrage, ou indiquant au salarié qu’il n’a pas fait ceci ou a mal fait cela constitue en réalité une sanction ? Une qualification lourde de conséquences.

La notion de « sanction »

Le Code du travail. L’article L 1331-1 du Code du travail prévoit : « Constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération » .

La jurisprudence. Les juges appliquent à la lettre cette définition. Un écrit (lettre, e-mail, etc.) par lequel un employeur reproche au salarié des manquements aux règles en vigueur dans l’entreprise et l’invite à s’y conformer constitue une sanction disciplinaire (Cass. soc. 26.05.2010 n° 08-42893 ; Cass. soc. 07.03.2012 n° 10-21234 ; Cass. soc. 09.04.2014 n° 13-10939) .

Bon à savoir. Contrairement à certaines idées reçues, un avertissement n’est pas nécessairement une LRAR dans laquelle l’employeur indique prononcer cette sanction. L’e-mail du supérieur comportant un reproche, le rappel à l’ordre, le recadrage sont des avertissements au sens de la loi.

« Alors, tout est sanction ? » Non, et c’est là toute la difficulté. La Cour de cassation a jugé que des écrits de l’employeur par lesquels celui-ci se borne (i) à demander au salarié de se ressaisir avec des propositions à cette fin ou (ii) à mettre en garde un salarié sur la portée de ses propos ne sont pas des sanctions disciplinaires (Cass. soc. 13.12.2011 n° 10-20135 ; Cass soc. 05.07.2011 n° 10-19561) .

Le risque « non bis in idem ». Lorsqu’un écrit, d’apparence banale, est qualifié d’avertissement, il constitue une sanction disciplinaire. Or, il existe un principe, appelé « non bis in idem », selon lequel, sauf réitération, des faits déjà sanctionnés ne peuvent pas faire l’objet d’une nouvelle sanction.

L’usage de la sanction

Sachez que la frontière est fine. À bien étudier la jurisprudence, l’écrit comportant un reproche et invitant le salarié à corriger le tir serait un avertissement tandis que l’écrit alertant le salarié sur un comportement critiquable en lui indiquant que cela pourrait être éventuellement qualifié de faute ne serait qu’une mise en garde. Ainsi, à notre sens, il est pratiquement impossible de dire avec certitude ce qui est une mise en garde autorisant une sanction ultérieure des mêmes faits et ce qui est un avertissement épuisant le pouvoir disciplinaire de l’employeur.

Prohibez les réactions immédiates. Souvent, sous le coup de l’énervement, le chef d’entreprise ou le N+1 du salarié fautif adresse un e-mail un peu vif au salarié dès que la faute est connue. Attention ! Cet écrit, même sans mention du mot « avertissement » est une sanction disciplinaire. Le licenciement pour les mêmes faits est injustifié.

Faites un choix. Quand vous considérez qu’un acte ou une omission d’un salarié n’est pas « normal », vous devez d’abord en apprécier la gravité au regard de sa qualification, de son ancienneté, de ses fonctions et responsabilités.

Soit la gravité est telle qu’il faut d’emblée envisager une sanction supérieure à l’avertissement : engagez la procédure prévue.

Soit vous envoyez un courrier d’avertissement, d’alerte, de mise en garde ou de recadrage en ayant à l’esprit que, sauf réitération, vous ne pourrez pas prononcer de sanction pour ces faits.

Distinguer un avertissement d’une mise en garde ou recadrage écrit est difficile. Or, la requalification d’un écrit a priori banal en un avertissement entraîne l’annulation de la sanction prononcée pour les faits visés dans le premier écrit. Prohibez tout écrit « à chaud » et fixez vos objectifs avant toute réaction écrite.

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