TRAVAIL DISSIMULé - SANCTIONS - 23.02.2015

Travail dissimulé : êtes-vous sûr de ne prendre aucun risque ?

Les sanctions du travail dissimulé ont été renforcées au 01.01.2015. Il recouvre différentes formes, qui ne sont pas toujours celles auxquelles on pense. L’occasion de faire le point sur les éléments à vérifier dans votre entreprise.

La Définition

Le caractère volontaire. Il s’agit avant tout d’une action volontaire, l’élément intentionnel est indispensable (Cass. soc. 15.10.2008 n° 06-46.390) .

La dissimulation d’activité. C’est le fait de ne pas s’immatriculer ou de ne pas faire les déclarations obligatoires, sociales et/ou fiscales, ou même de ne pas faire les inscriptions modificatives.

À savoir. Exercer une activité accessoire ou connexe sans la déclarer y est assimilé !

La dissimulation d’emploi. Plusieurs éléments peuvent la constituer :

  • ne pas faire les déclarations d’emploi ou de salaires, même pour quelques salariés ;
  • ne pas remettre de bulletin de paie ;
  • ne pas indiquer toutes les heures de travail sur le bulletin (Cass. soc. 09.04.2008 n° 07-41.340) .

Conseil. Essayer de justifier l’absence de déclarations par des difficultés financières empêchant de payer les cotisations n’est pas un argument valable (Cass. soc. 21.05.2014 n° 13-14088) .

Les situations à risques

Qualification de la relation. Peut constituer le délit le fait de déguiser une relation salariale sous forme de stagiaire, de gérant ou de recours à un travailleur indépendant.

Pour les heures normales. Constituent de la dissimulation d’heures :

  • déclarer et payer un salarié à temps partiel alors qu’il travaille à temps plein ;
  • payer des heures sous forme de remboursement de frais.

Pour les heures supplémentaires. Différents faits peuvent constituer la dissimulation :

  • rémunérer des heures supplémentaires sous forme de prime, exceptionnelle ou autre ;
  • considérer que le salaire des cadres inclut toujours les heures supplémentaires et n’en payer aucune alors qu’il y en a beaucoup ;
  • appliquer un système de forfait jours alors qu’aucune convention de forfait n’a été signée avec un salarié qui fait beaucoup d’heures supplémentaires ;
  • appliquer une convention de forfait alors que la qualité de cadre autonome nécessaire n’est pas reconnue au salarié.

À savoir. En revanche, un accord d’aménagement du temps de travail peut aboutir à ne pas faire figurer toutes les heures sur le bulletin : ce cas n’est bien sûr pas concerné (C. trav. art. 8221-5, 2°) .

Des justifications possibles ?

Oui, dans certains cas. L’élément intentionnel du délit étant nécessaire, certaines situations pourront montrer qu’il n’existe pas, par exemple :

  • simple utilisation en paie d’une mauvaise rubrique du logiciel ;
  • impossibilité d’établir le nombre d’heures effectuées sans une expertise ou désaccord réel avec le salarié sur les heures effectuées ;
  • caractère exceptionnel et minime des faits ;
  • des heures non payées car récupérables et en attente de l’être.

Conseil. Une erreur involontaire ne constitue pas le délit. Dans ce cas, n’oubliez pas de rectifier tous les éléments en faisant un rappel de salaire clairement libellé sur le bulletin pour clarifier la situation !

Plus difficilement dans d’autres. Certains éléments de fait risquent au contraire de montrer le caractère volontaire des faits, par exemple :

  • disposer de fiches d’heures très claires ;
  • l’utilisation d’une « pointeuse » détaillant les heures effectuées ;
  • la production par le salarié d’un post-it indiquant des heures qui n’ont pas figuré sur le bulletin ;
  • un paiement en espèces non justifié.

La procédure

L’origine. La découverte des éléments peut se faire après recherche par des contrôleurs du travail, des impôts, des douanes, de la police judiciaire ou des agents de l’Urssaf mais aussi simplement à l’occasion d’un contrôle Urssaf « classique ».

Rappel. En cas de recherche de travail dissimulé par l’Urssaf, l’avis de contrôle n’a pas à être envoyé à l’employeur contrairement au contrôle classique.

L’audition des salariés par l’Urssaf. Pour une recherche directe de travail dissimulé, l’agent doit avoir l’autorisation des salariés avant leur audition, alors qu’elle n’est pas nécessaire pour un contrôle classique. Si c’est un contrôle classique qui révèle le travail dissimulé, sa procédure reste applicable, avec autorisation (Cass. 2eciv. 09.10.2014 n° 10-13.699) .

Les perquisitions. Depuis le 01.01.2015, les perquisitions et saisies au domicile ne sont plus autorisées. Mais l’accès au lieu de travail reste possible pour la police judiciaire sur réquisition du procureur de la République ou flagrant délit.

À savoir. Toutes les administrations communiquent et se transmettent les éléments. Ainsi, un redressement Urssaf pourra tout à fait intervenir suite à un p.-v. de travail dissimulé établi par un contrôleur du travail.

Le redressement Urssaf

1ercas : p.-v. de travail dissimulé transmis à l’Urssaf. Elle peut alors faire un redressement. En l’absence d’éléments concrets, le salaire sera évalué à 6 Smic mensuels sur 151,67 heures (CSS art. L 242- 1-2) , sauf si l’employeur prouve la durée d’emploi réelle et la rémunération exacte du travailleur (Cass. 2eciv. 19.12.2013 n° 12-27.513) .

2ecas : contrôle par l’Urssaf. Elle peut aussi faire le redressement suite à une recherche de travail dissimulé ou un contrôle classique. Et même si le délit de travail dissimulé n’est pas retenu du fait de l’absence du caractère volontaire, l’Urssaf peut tout à fait opérer un redressement sur les sommes non cotisées (Cass. 2eciv. 09.10.2014 n° 13-22.943) .

À savoir. Si le délit n’est pas retenu, le redressement ne se fera pas sur 6 Smic mensuels.

Majorations du redressement(CSS art. L 243-7-7). Une infraction de travail dissimulé constatée donne lieu à 25 % de majoration du redressement, et même parfois 40 % (jeunes, public fragile, etc.).

Suppression d’exonération

Le délit de travail dissimulé entraîne l’annulation des réductions et exonérations appliquées par l’employeur. Depuis, le 01.01.2015, sont concernées toutes les exonérations, y compris celles qui nécessitent une autorisation préalable pour leur application, par exemple l’Accre (CSS, art. L 133-4-2) .

À savoir. L’annulation est rétroactive dans la limite de la prescription liée au travail dissimulé, soit 5 ans.

Sanctions pénales

Si le délit est reconnu, l’employeur est passible de 3 ans de prison et 45 000 € d’amende. Pour les faits commis à compter du 01.01.2015, ces peines sont portées à 5 ans de prison et 75 000 € si l’infraction concerne plusieurs personnes ou une seule personne, mais vulnérable ou dépendante.

Des sanctions administratives existent également.

Et le salarié « dissimulé » ?

Une indemnité spécifique. Toute rupture de la relation de travail, même une démission (Cass. soc. 12.10.2004 n° 02-44.666) , donne lieu à une indemnité de 6 mois de salaire, avec les heures supplémentaires des 6 mois précédents (Cass. soc. 18.10.2006 n° 05-40.464) , même si le salarié a travaillé moins longtemps (Cass. soc. 14.04.2010 n° 08-43.124) .

Cette indemnité constitue la réparation forfaitaire d’un préjudice est n’est pas soumise à cotisations (Cass. soc. 20.02.2008 n° 06-44.964) .

Attention ! L’indemnité forfaitaire est due même si l’employeur n’a pas été condamné pénalement, le caractère intentionnel suffit. Et elle n’empêche pas l’indemnisation supplémentaire du préjudice lié à la non-affiliation aux organismes sociaux !

Et des indemnités de rupture. Le salarié doit aussi percevoir, en plus, les indemnités classiques de rupture du contrat : indemnité compensatrice de congés payés, indemnité de licenciement ou de mise à la retraite, et même dommages et intérêts pour licenciement abusif ou irrégulier (Cass. soc. 12.06.2006 n° 03-46.800) .

Le délit de travail dissimulé a de lourdes conséquences pénales et financières. Mais sachez qu’un élément intentionnel est nécessaire, et que de simples erreurs involontaires ne le constituent pas : une bonne raison de vérifier vos pratiques de paie et de modifier celles qui pourraient être mal interprétées !

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