ASSURANCES - 13.12.2022

Souscrire un contrat d'assurance-vie avant 70 ans : illustration jurisprudentielle au regard des droits de succession

Le bénéficiaire d'une assurance-vie imposé aux droits de succession du fait de primes versées le lendemain des 70 ans de l'assuré ne saurait reprocher à la banque un transfert tardif des fonds à l'assureur, alors que ce retard résulte du manque de diligence du souscripteur (CA Paris 7‑9‑2022 n° 20/13206) .

Quelques explications supplémentaires

Un point général sur la fiscalité dècès en matière d'assurance-vie.

Les sommes versées à un bénéficiaire désigné au décès de l'assuré ne font pas partie de la succession de l'assuré et échappent en principe à toute taxation.

L'exonération est totale pour les contrats souscrits au profit de certaines personnes : le conjoint survivant, le partenaire pacsé, certains organismes sans but lucratif et, sous certaines conditions tenant notamment à l'âge et à l'infirmité du bénéficiaire, les frères et sœurs.

Lorsque d'autres bénéficiaires ont été désignés, l'exonération de principe de l'assurance-vie en cas de décès est doublement limitée :

  • les primes versées après 70 ans sont soumises aux droits de succession pour leur fraction qui excède 30 500 €, si le contrat a été souscrit depuis le 20 novembre 1991 (CGI art. 757 B)  ;
  • un prélèvement spécifique de 20 % jusqu'à 700 000 € puis 31,25 % frappe les sommes versées par l'assureur au-delà de 152 500 € par bénéficiaire, lorsque ces sommes correspondent à des primes versées depuis le 13 octobre 1998 qui n'entrent pas dans le champ d'application des droits de succession (CGI art. 990 I) .

Les circonstances de l'affaire

Un homme souscrit par l'intermédiaire de sa banque un contrat d'assurance-vie 2 jours avant son 70e anniversaire et effectue un versement de 174 000 € en vue du paiement de la prime. Ce versement est transmis à l'assureur 3 jours plus tard, soit le lendemain des 70 ans de l'assuré. Au décès de ce dernier, la valeur du contrat s'élève à 190 000 €.

La sœur et le frère du défunt, bénéficiaires du contrat à concurrence respectivement de 65 % et de 35 %, reçoivent le capital déduction faite des droits de succession calculés en application de l'article 757 B du CGI, les fonds placés ayant été versés au contrat postérieurement au 70e anniversaire de l'assuré.

Ils assignent alors la banque en paiement de dommages et intérêts correspondant aux droits réglés à l'administration fiscale, soit près de 49 000 € pour la sœur et près de 26 000 € pour le frère.

Ils considèrent en effet que la banque a commis une faute en transférant tardivement les fonds à l'assureur, les privant ainsi du régime fiscal plus favorable applicable aux primes versées avant les 70 ans de l'assuré.

La décision de la cour d'appel

La cour d'appel rejette la demande des deux bénéficiaires.

Elle relève notamment que :

  • les bénéficiaires ne produisent aucune preuve de l'intention manifeste du souscripteur de verser les fonds avant ses 70 ans ;
  • le souscripteur avait tout loisir de s'adresser à un autre établissement s'il estimait que la banque n'était pas assez diligente pour fixer un rendez-vous avant ses 70 ans ;
  • l'assurance-vie présente un intérêt fiscal non négligeable, que les primes soient versées avant ou après l'âge de 70 ans.

Elle ajoute que l'application du régime fiscal de l'article 757 B du CGI ne résulte pas d'un manque de diligence de la banque dans le versement des fonds à l'assureur, mais d'une prise de rendez-vous tardive pour signature du contrat dont il n'est pas établi qu'elle est imputable à la banque.

  • Cette décision illustre l'importance du critère de l'âge de l'assuré lors du versement des primes, souvent décisif dans la détermination du régime fiscal applicable aux bénéficiaires d'un contrat d'assurance-vie en cas de décès.
  • En l'espèce, les primes ayant été versées après les 70 ans de l'assuré, les sommes transmises aux bénéficiaires ont été soumises aux droits de succession à concurrence du montant de ces primes, suivant le degré de parenté existant entre les bénéficiaires et l'assuré, après application d'un abattement global de 30 500 € réparti entre les bénéficiaires au prorata de la part leur revenant (CGI art. 757 B) . Cela s'est traduit, pour ces derniers, par un montant de près de 75 000 € de droits de succession à payer.
  • Si les primes avaient été versées avant les 70 ans de l'assuré, les sommes transmises aux bénéficiaires auraient relevé du régime du prélèvement spécifique (CGI art. 990 I, I) . Compte tenu des montants en jeu, les intéressés auraient alors échappé au prélèvement en raison de l'abattement de 152 500 € applicable à chaque bénéficiaire.
  • Le souscripteur assuré d'une assurance-vie souhaitant verser des primes avant ses 70 ans pour que les bénéficiaires se voient appliquer le régime fiscal du prélèvement spécifique a donc tout intérêt à anticiper la démarche auprès de l'assureur ou de l'intermédiaire, afin que l'opération soit effectuée en temps voulu.

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