Arrêter de verser les loyers si le bailleur ne réalise pas des travaux nécessaires dans votre local commercial ?
Les faits
Un locataire informe son bailleur qu’une infiltration d’eau affecte le local loué. Le bailleur laissant perdurer les désordres et refusant de procéder aux réparations exigées par l’état des lieux, le locataire cesse de verser les loyers.
Le bailleur , ne percevant plus les loyers, demande alors la résiliation du bail et l’expulsion du locataire. La Cour d’appel rejette sa demande, estimant qu’il a manqué à une obligation essentielle du bail. L’affaire est alors portée devant la Cour de cassation.
La décision du juge
Le juge rappelle que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée, d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.
Il ajoute que le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouissance des lieux loués.
Il relève que, pour rejeter les demandes du bailleur, la Cour d’appel a retenu que, peu importe que l’exploitation ne soit pas totalement impossible, l’exception d’inexécution est justifiée par le manquement du bailleur à une obligation essentielle du bail.
Il décide donc que, en se déterminant ainsi, sans rechercher si l’infiltration alléguée avait rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale. L’affaire devra donc être rejugée (Cass. 3e civ. 6‑7‑2023 n° 22-15.923) .
L’exception d’inexécution
Paiement des loyers : une obligation essentielle du locataire… Le paiement des loyers aux termes convenus est l’une des obligations essentielles du locataire (C. civ. art. 1728) .
… sauf exception d’inexécution… Le locataire ne peut en principe pas valablement s’en dispenser en invoquant un manquement du bailleur à ses obligations, la Cour de cassation ne lui reconnaissant le bénéfice de l’exception d’inexécution que dans des circonstances exceptionnelles.
Des circonstances exceptionnelles. L’exception d’inexécution pourra notamment être invoquée en cas d’impossibilité totale pour le locataire d’utiliser les locaux loués (Cass. 3e civ. 31‑10‑1978 n° 77-11.355 ; Cass. 3e civ. 21‑12‑1987 n° 86-13.861) ou, au moins, en cas d’impossibilité d’en user conformément à la destination prévue au bail (Cass. 3e civ. 21‑11‑1990 n° 89-16.189) .
À noter. Le non-respect de ses obligations par le bailleur ne dispense le locataire de remplir les siennes que lorsque ce manquement rend impossible la jouissance des lieux loués. La décision ci-dessus montre que cette solution est appliquée avec rigueur, et qu’il ne suffit pas de constater l’inexécution par le bailleur d’une obligation essentielle du bail pour justifier la mise en œuvre de l’exception d’inexécution.