DIRIGEANT - RELATIONS DIRIGEANT-ENTREPRISE - 27.11.2023

Caution du dirigeant disproportionnée : conséquences ?

Lorsque votre société a fait l’acquisition d’un fonds de commerce, vous vous êtes porté caution, avec votre conjoint, du remboursement du prêt. Si un jour la banque vous appelait à exécuter cet engagement, dans quelle mesure pourriez-vous soulever que le cautionnement était disproportionné, et avec quelles conséquences ? Un cas jugé.

Les faits

Des époux, mariés sous le régime de la communauté, se portent caution, à hauteur de 466 000 € chacun, du remboursement d’un prêt consenti par une banque à l’occasion de l’achat d’un fonds de commerce par une société.

La société ne pouvant plus honorer les échéances du prêt, la banque demande au couple l’exécution de son engagement de caution. Le couple soutient alors que ce cautionnement était disproportionné.

La décision du juge

Le juge relève qu’aucune fiche de renseignements sur la situation patrimoniale des cautions n’avait été établie lorsque les époux se sont portés caution.

Il constate que le mari percevait alors un revenu mensuel de 3 000 €, et sa femme, de 2 700 € ; que, au titre de leurs charges, leur impôt sur le revenu s’élevait à 3 300 €, et qu’ils remboursaient chaque mois des crédits pour l’achat d’un véhicule (192 €) et de leur logement (900 €) ; que leur logement était évalué à 350 000 €, le capital restant dû au moment du cautionnement s’élevant à 35 400 €, si bien que leur actif immobilier s’élevait à 314 600 € ; qu’ils possédaient des valeurs mobilières pour un montant de 130 800 €, mais avaient apporté 105 000 € pour l’achat du fonds, si bien que leur actif disponible était réduit à 25 800 € ; et que, en affectant la totalité de leurs biens (340 400 €) au paiement de leur engagement de caution de 466 000 €, il restait 125 600 € à apurer avec leurs revenus (s’élevant chaque mois, déduction faite des impôts et du remboursement des prêts, à 4 300 €, sans compter le minimum nécessaire à leur vie courante), ce qui ne pouvait être fait en moins de 30 mensualités.

Il décide donc que le cautionnement était effectivement disproportionné aux biens et revenus des cautions à la date à laquelle il avait été consenti. La banque ne pouvait pas se prévaloir du cautionnement (CA Rouen 7‑9‑2023 n° 22/02001) .

Un engagement disproportionné : conséquences

Depuis le 1‑1‑2022 : une décharge partielle. Le cautionnement souscrit depuis le 1‑1‑2022 par une personne physique envers un créancier professionnel, qui était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, est réduit au montant à hauteur duquel celle-ci pouvait s’engager à cette date (C. civ. art. 2300) . S’il a été consenti avant 2022, comme dans l’affaire jugée ici, la caution est entièrement déchargée (C. conso. ex-art. L 332-1) . Autre différence entre le cautionnement souscrit avant et après 2022 : pour le premier, la caution peut être poursuivie si, au moment où elle est poursuivie en exécution de son engagement, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation (C. conso. ex-art. L 332-1) .

Preuve de la disproportion. Il appartient à la caution d’apporter la preuve de la disproportion (Cass. com. 25‑5‑2022 n° 20-21.935) . L’arrêt ci-dessus souligne les éléments que doit produire la caution pour convaincre le juge lorsqu’aucune fiche patrimoniale n’a été établie lors de la conclusion de son engagement, ce qui ne sera pas toujours facile (en l’espèce, les cautionnements avaient été souscrits en 2012, et le litige entre la banque et les cautions avait été initié en 2019).

Depuis le 1‑1‑2022, si le cautionnement donné par des époux est jugé disproportionné au regard de leurs revenus, de leurs charges et de la valeur de leurs biens contemporains de leur engagement, il est réduit au montant à hauteur duquel ils pouvaient s’engager à cette date. S’il a été consenti avant 2022, le couple caution est entièrement déchargé.

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