BÂTIMENT - MARCHÉS PRIVÉS - 04.12.2023

Recouvrer une somme due par un particulier : le délai pour agir en justice en cas d’achèvement partiel des travaux

La Cour de cassation a fourni une importante précision sur le délai pendant lequel un entrepreneur du bâtiment peut/doit agir en justice afin de réclamer des sommes dues pour des travaux réalisés à la demande de particuliers. Faisons le point...

En cas d’impayé d’un particulier...

Un délai pour recouvrer. Lorsqu’un entrepreneur du bâtiment réalise des travaux pour le compte d’un particulier (personne physique n’agissant pas dans le cadre de son activité professionnelle), il dispose (uniquement) d’un délai de deux ans pour exercer une action en justice visant à recouvrer un impayé (C. cons. art. L 218-2) . Même avec l’accord d’un client, la durée de cette prescription, dite biennale, ne peut être rallongée (C. cons. art. L 218‑1) .

Point de départ du délai. Comme expliqué dans un conseil («Travaux impayés (particuliers) : gare au délai pour recouvrer en justice !» avril 2023) , la Cour de cassation a jugé en mars 2023 que pour déterminer le point de départ du délai de prescription (biennale) de l’action en paiement de travaux, il faut «prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible»(Cass. 3e civ. 1‑3‑2023 n° 21‑23176) .

Attention ! La prescription biennale est suspendue lorsqu’une expertise judiciaire est ordonnée, mais ceci «sans effacer le délai déjà couru»(C. civ. art. 2230) . En outre, le délai de prescription «recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois» , à compter du jour du dépôt du rapport de l’expert judiciaire (C. civ. art. 2239) . Côté entrepreneur, veillez à formuler en justice (au besoin par voie de conclusions, en cours de procès) une demande en paiement en temps utile, sous peine de voir votre demande déclarée prescrite par les juges (Cass. 3e civ. 30‑3‑2023 n° 22-10081) .

... une précision à intégrer !

Où des travaux ne sont pas achevés... Dans une affaire, un couple confie à une société la réalisation de travaux. Se plaignant de l’évolution des travaux, le couple décide en cours de chantier de faire dresser un P.-V. de constat par un huissier (commissaire de justice), et de demander une expertise judiciaire. La société, qui a réalisé 80 % de ses travaux, ne peut les achever...

Pour le délai de prescription.. . Après l’expertise, la société réclame en justice le paiement des sommes dues pour ses travaux, tels qu’évalués par l’expert. Mais le couple lui oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale, en expliquant que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date à laquelle le chantier a été arrêté, et le constat d’huissier réalisé. La Cour d’appel saisie du litige écarte cette fin de non-recevoir, en estimant que le délai de prescription n’a pas commencé à courir. Relevant que le point de départ de la prescription doit être fixé à la date d’achèvement de travaux, les juges soulignent qu’ils n’ont pas été terminés en l’espèce, étant noté que seule une situation avait été éditée par la société (CA Rennes 7‑4‑2022 RG 20/02040 Portalis DBVL V B7E QSS7) .

Une règle à prendre en compte... La Cour de cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel pour violation de la loi, en posant le principe (inédit) suivant : «en cas d’achèvement partiel des travaux, la créance en paiement devient exigible à la date à laquelle le professionnel a cessé définitivement d’intervenir sur le chantier»(Cass. 3e civ. 19‑10‑2023 n° 22-18825) . Au vu de l’arrêt, c’est cette date qui est en pratique à prendre en compte comme point de départ du délai de prescription biennale, lorsqu’un entrepreneur du bâtiment se voit contraint de stopper un chantier.

Conseil. Le délai de prescription pour une action en recouvrement d’un impayé contre un client professionnel est fixé à cinq ans (C. com. art. L 110-4) . Il en va de même pour des travaux confiés par une SCI ou une copropriété (C. civ. art. 2224) .

Côté entrepreneur du bâtiment, pour recouvrer un impayé d‘un particulier en cas d’achèvement partiel de vos travaux, veillez à agir en justice dans un délai de deux ans à compter de la date où vous avez cessé d’intervenir sur le chantier.

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