Vente de terrain à bâtir et devoir de conseil
Une affaire à méditer
Pour la petite histoire... Un couple décide d’acheter un terrain à bâtir, en vue d’y faire construire son habitation principale. À cet effet, le couple régularise chez « son » notaire un compromis de vente puis l’acte réitératif, avec cession du droit à la moitié de la voie privée destinée à assurer la desserte du terrain. Le couple sollicite ensuite un permis de construire (PC), mais celui-ci est refusé en raison d’une difficulté pour assurer l’accès au terrain, au vu des règles du PLU applicable. La délivrance du PC suppose en effet, à cet égard, de constituer des servitudes de passage sur des parcelles voisines. Le couple décide alors d’assigner le notaire en responsabilité...
En appel. Les juges écartent la responsabilité du notaire, au vu notamment des éléments suivants. Des courriers du notaire adressés au couple révèlent qu’il s’est bien soucié de la problématique de la desserte du terrain, tel en demandant de se renseigner à ce sujet auprès des services de l’urbanisme. L’acte de vente du terrain comporte en outre une clause informant le couple sur la « limite » des droits cédés pour la voie privée assurant sa desserte. Mais était-ce bien suffisant ?
En cassation. Au visa de l’article 1382 du Code civil, l’arrêt d’appel vient d’être censuré, sur la base du principe suivant. Les notaires « sont tenus d’éclairer les parties et d’appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique » . À ce titre, la Cour de cassation estime que le notaire aurait dû « précisément attirer l’attention des acquéreurs sur le risque de refus du permis de construire à défaut de constitution de servitudes de passage »(Cass. 1e civ. 05.03.2015 n° 13-26908) .
Les enseignements à tirer
Où l’acquéreur achète pour construire... L’arrêt confirme la nécessité de faire preuve de la plus grande rigueur côté notaire lorsqu’une personne souhaite acheter un terrain à bâtir dans le but d’y réaliser tel ou tel projet de construction, en particulier si ce terrain est « enclavé » ou est uniquement desservi par une voie privée.
Prendre des initiatives... En l’espèce, c’est certes en vain que le couple a soutenu qu’un notaire commet une faute en « s’abstenant de prendre toutes les mesures » de nature à permettre à l’acquéreur d’un terrain d’obtenir, au vu des règles d’urbanisme, le PC dont il a besoin pour réaliser son projet immobilier. Reste qu’un notaire intervenant pour un acquéreur le conseillera utilement au vu de son projet (tel sur l’utilité de négocier une servitude de passage avec des voisins).
Où la « mise en garde » s’impose... En tout état de cause, un notaire a tout intérêt de pouvoir justifier avoir interpellé un acquéreur profane des risques pris de s’engager sans disposer d’un permis définitif pour son projet, sous forme de « reconnaissance de conseils donnés » . Il est prudent de prévoir une clause appropriée dans les actes de vente, y compris pour une vente réalisée au vu d’un certificat d’urbanisme opérationnel (CUb).
Côté agent immobilier. Au titre de son devoir de conseil, il sera bien avisé de faire preuve de la même rigueur pour verrouiller une promesse de vente, s’il se charge lui-même de sa rédaction.
Conseil. L’idéal est toujours de négocier entre les parties une condition suspensive (voire résolutoire) portant sur un PC conforme au projet.
Notice sur http://astucesetconseils-immobilier.fr/annexe – code IO 11.04.05.