RDV VERNIMMEN - 16.07.2021

Le financement externe des entreprises expliqué par les besoins de trésorerie*

L’émission de titres de dette ou de capitaux propres par les entreprises peut avoir différentes justifications parmi lesquelles les besoins de trésorerie des entreprises.

Justifications du recours au financement externe. Il est possible que les dirigeants cherchent à modifier la structure financière afin d’atteindre (ou de retrouver) une structure cible considérée comme optimale selon différents critères : fiscalité, risque de faillite, caractéristiques sectorielles, etc.

Une autre explication théorique(1) est que la motivation principale viendrait des besoins de trésorerie immédiats (ou sur les années qui viennent) de l’entreprise.

L’article proposé ici(2) apporte un soutien empirique à cette seconde explication. Le financement externe semble mieux expliqué par les besoins de trésorerie de l’entreprise que par la volonté d’ajustement à une structure financière cible. Cette dernière existe, mais n’intervient qu’à long terme et en l’absence de choc sur la trésorerie ; la structure financière observée à une date donnée dépend de l’historique des décisions de financement.

À noter. La base de données utilisée dans cette étude couvre la période de 1972 à 2013 sur le marché américain.

Critère du manque de trésorerie. Le résultat principal porte sur la décision même de recourir à un financement externe. Compte tenu de leurs entrées et sorties de trésorerie, les entreprises qui ont émis de la dette auraient été 75 % à connaître une insuffisance de trésorerie sans cette émission la même année (et 83 % l’année suivante). Les résultats sont atténués, mais restent élevés, dans le cas d’une émission de capitaux propres (54 % et 72 %).

Les auteurs montrent que ce critère (le risque de manquer de trésorerie) domine toutes les autres caractéristiques de l’entreprise dans l’explication du recours à un financement externe.

Pour comprendre ce résultat, il convient de préciser que les entreprises concernées auraient pu réduire leurs dépenses de trésorerie en l’absence de financement. La majorité d’entre elles n’est pas en situation de stress financier. Simplement, cette émission répond à un besoin de financement, qu’il s’agisse de dépenses courantes ou d’investissement. Il est d’ailleurs intéressant de constater que ce besoin est davantage observé dans le cas d’une émission de dette que dans celui d’une émission de capitaux propres.

Un autre test confirme cette idée : chaque dollar de capitaux propres émis se traduit par une hausse de 63 cents du niveau de la trésorerie au bilan de l’année d’émission, contre seulement 19 cents pour un dollar de dette. Dans le cas des capitaux propres, l’accumulation de cash à court terme est plus élevée, car l’émission correspond à des besoins de financement à plus long terme.

Critères de choix entre dette et capitaux propres. Les auteurs étudient également les critères de choix entre dette et capitaux propres dans le financement externe. Ils constatent que ce choix est fortement influencé par la capacité de l’entreprise à générer des flux de trésorerie internes. La probabilité d’émettre des capitaux propres une année donnée est de 18 %, lorsque ces flux sont positifs, et de 48 % lorsqu’ils sont négatifs ; à l’inverse, pour les émissions de dette, la probabilité passe de 70 %, avec des flux positifs, à 53 %, avec des flux négatifs.

Les entreprises qui ont des besoins de trésorerie structurels (notamment celles des secteurs intensifs en R&D) émettent davantage de capitaux propres, alors que les émissions de dette servent généralement à couvrir des besoins de trésorerie à plus court terme.

*Avec la collaboration de Simon Gueguen, enseignant-chercheur à CY Cergy Paris Université

  1. Proposée notamment par H. Deangelo, L. Deangelo et T. M. Whited, « Capital structure dynamics and transitory debt », Journal of Financial Economics, 2011, vol. 99, n° 2, p. 235 à 261.
  2. R. Huang et J. R. Ritter, « Corporate cash shortfalls and financing decisions », Review of Financial Studies, 2021, vol. 34, n° 4, p. 1789 à 1833.
Les choix de financement externe dépendent de l’importance des besoins conjoncturels de trésorerie des entreprises. La structure financière est « path dependent », c’est-à-dire qu’elle ne dépend pas seulement de la situation à un instant donné, mais aussi d’une série de décisions de court terme liées à l’histoire de l’entreprise.

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